La dynastie Schneider | Les forges du Creusot au cœur du pouvoir

Au cœur de la Bourgogne, une famille de petits notaires lorraine va modifier le fil de l’histoire industrielle française. Les frères Adolphe et Eugène Schneider transforment une forge en faillite du Creusot en véritable empire économique. Pendant plus d’un siècle, quatre générations d’hommes d’affaires visionnaires bâtissent un réseau d’influence qui s’étend de la Saône-et-Loire à Paris, du secteur de l’industrie aux plus hautes sphères du pouvoir politique.

Henri, Eugène, Charles… ces maîtres de forges cumulent les rôles de député, ministre, président du Corps législatif. Leur ascension sociale accompagne celle de la France du XIXe siècle. Mais attention : ne confondez pas cette dynastie industrielle avec les acteurs Niels, Aliocha, Vassili ou Volodia Schneider du cinéma contemporain ! L’histoire de cette entreprise légendaire révèle des liens surprenants entre économie, politique et pouvoir. Découvrez comment une famille a façonné un pays.

Quelle est l’histoire de la famille Schneider ?

L’histoire famille Schneider commence dans les terres lorraines, bien loin des feux des hauts fourneaux qui feront leur renommée. Cette dynastie Schneider trouve ses racines chez Antoine Schneider (1758-1828), notaire royal à Dieuze et maire de cette modeste commune mosellane. Un homme de la bourgeoisie provinciale qui ne pouvait imaginer que ses descendants bâtiraient l’un des plus formidables empires industriels de France.

Deux de ses fils vont révolutionner l’industrie française : Adolphe (1802-1845) et Eugène (1805-1875). Ces frères lorrains, cousins germains du général et ministre Virgile Schneider (1779-1847), incarnent parfaitement l’ascension sociale rapide que permet l’essor industriel du XIXe siècle. Leur parcours illustre cette époque de mutations profondes où l’audace entrepreneuriale peut transformer des fils de notaires en magnats de l’industrie.

La famille Schneider marquera l’industrialisation française pendant plus d’un siècle, de 1836 à 1960. Quatre générations se succèdent à la tête de cet empire : Eugène Ier, son fils Henri (1840-1898), son petit-fils Eugène II (1868-1942) et son arrière-petit-fils Charles (1898-1960). Cette dynastie Schneider transforme non seulement le paysage industriel français, mais influence également la vie politique et sociale de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle.

Comment la famille Schneider a-t-elle fondé son empire ?

La fondation empire de la famille Schneider débute par un pari audacieux en 1836. Les Schneider frères, Adolphe et Eugène, rachètent les forges du Creusot alors en faillite pour la somme considérable de 2,6 millions de francs. Cette acquisition stratégique s’appuie sur les capitaux de la banque Seillière, où Adolphe occupe un poste de confiance, et sur les relations d’Eugène dans le milieu industriel.

L’entreprise familiale « Schneider frères et Cie » mise immédiatement sur l’innovation technologique. Dès 1838, leurs ateliers produisent la première locomotive à vapeur entièrement française, baptisée « La Gironde ». Cette prouesse technique place d’emblée la société en concurrence directe avec les géants britanniques de l’industrie ferroviaire. Les frères comprennent que l’avenir appartient au chemin de fer naissant et positionnent leur entreprise sur ce marché prometteur.

La stratégie de diversification s’avère payante. Partant de la métallurgie, les Schneider étendent leurs activités à la fabrication de rails, de locomotives, puis à la construction navale et à l’armement. Cette expansion s’accompagne d’une politique d’alliances matrimoniales stratégiques : Adolphe épouse Valérie Aignan, belle-fille du maître de forges Boigues de Fourchambault, tandis qu’Eugène s’unit à Constance Lemoine des Mares, issue de la haute finance protestante.

L’industrie française traverse une période d’expansion exceptionnelle, et la famille Schneider surfe parfaitement sur cette vague. En quelques années, l’entreprise passe de 3000 à 10 000 ouvriers, puis atteindra 125 000 employés au début du XXe siècle. Cette croissance fulgurante transforme les Schneider en acteurs majeurs de l’économie nationale.

Frise chronologique – Dynastie Schneider

Dynastie Schneider

Plus d’un siècle d’empire industriel français (1758-1960)

1758-1828

Antoine Schneider

Notaire royal à Dieuze, maire. Origine modeste de la dynastie

1836

Rachat des forges du Creusot

2,6 millions de francs. Début de l’empire industriel

1838

Première locomotive française

« La Gironde » – Innovation technologique majeure

1845

Mort d’Adolphe

Eugène Ier devient seul dirigeant de l’empire

1840-1898

Henri Schneider

Expansion industrielle et influence politique

1868-1942

Eugène II

Apogée de l’empire – 125 000 employés

1898-1960

Charles Schneider

Dernière génération dirigeante

Quels sont les liens entre les Schneider et le Creusot ?

Les liens entre la famille Schneider et la ville du Creusot dépassent largement la simple relation patron-employé. En rachetant les forges en 1836, les Schneider ne se contentent pas d’acquérir une industrie : ils façonnent littéralement une ville entière selon leur vision paternaliste. Cette transformation fait d’eux bien plus que des maîtres de forges – ils deviennent les architectes d’une véritable ville-usine.

L’expansion est spectaculaire : de 3000 ouvriers dans les années 1840, les effectifs bondissent à 125 000 employés au début du XXe siècle. Cette croissance s’accompagne d’un développement urbain sans précédent. La famille Schneider finance et organise la construction de logements ouvriers, d’écoles, d’un hôpital et d’un orphelinat. Leur rôle politique s’étend naturellement à la gestion municipale : ils cumulent les fonctions de patron, maire et propriétaire foncier.

Le château de la Verrerie, ancienne cristallerie de la Reine, devient leur résidence familiale au Creusot. Rénové en 1905-1909 dans le style XVIIIe siècle, il symbolise l’enracinement de la dynastie dans cette terre bourguignonne. Aujourd’hui encore, l’héritage des Schneider marque le paysage urbain : quatre statues rendent hommage aux quatre générations de dirigeants (Eugène Ier, Henri, Eugène II et Charles), témoins de plus d’un siècle de domination industrielle et sociale.

Arbre généalogique Schneider
4 Générations Schneider
1
Eugène Ier
(1805-1875)
Fondateur
Député, ministre
2
Henri
(1840-1898)
Fils d’Eugène
Expansion
3
Eugène II
(1868-1942)
Petit-fils
125k employés
4
Charles
(1898-1960)
Arrière-petit-fils
Fin dynastie
Alliances
Noblesse
De Wendel
Orléans
Descendants
Dominique S.
Catherine S.

Quelle est la généalogie de la famille Schneider ?

La généalogie famille schneider révèle une ascendance modeste qui contraste avec l’ampleur de leur réussite industrielle. L’arbre généalogique remonte à Johan Jacob Schneider (1708-1801), laboureur puis maître-huilier à Dieuze, illustrant les origines rurales de cette histoire familiale exceptionnelle.

La lignée directe des dirigeants s’établit clairement : Antoine Schneider (1758-1828), maire de Dieuze et notaire royal, engendre les deux fondateurs Adolphe (1802-1845) et Eugène (1805-1875). Après la mort accidentelle d’Adolphe en 1845, Eugène Ier transmet l’empire à son fils Henri (1840-1898), lequel le lègue à son fils Eugène II (1868-1942), puis à Charles (1898-1960).

Cette généalogie famille Schneider se distingue par des alliances matrimoniales prestigieuses. Henri Schneider marie ses cinq enfants dans la noblesse : ses filles deviennent marquise de Chaponay, marquise de Juigné, marquise de Brantes et comtesse de Ganay. Ces unions stratégiques tissent des liens avec l’aristocratie française et d’autres dynasties industrielles.

Par le jeu des mariages, les descendants Schneider s’allient aux de Wendel, aux Mame de Tours, à la maison d’Orléans et même aux descendants de Jules Guesde. Cette histoire familiale illustre parfaitement la fusion entre ancienne noblesse, haute bourgeoisie industrielle et monde politique qui caractérise l’élite française des XIXe et XXe siècles.

Quel rôle a joué la famille Schneider au Creusot ?

Le rôle de la famille Schneider au Creusot dépasse largement le cadre industriel traditionnel pour s’étendre à tous les aspects de la vie économique, sociale et politique. Ces maîtres de forges révolutionnent le concept même de l’industrie en créant un système paternaliste d’une ampleur inégalée en France.

Sur le plan économique et social, les Schneider transforment radicalement la ville. Ils financent et organisent la construction de logements ouvriers, créent des écoles spécialisées, édifient un hôpital moderne et fondent un orphelinat. Ce paternalisme industriel s’étend aux services municipaux : distribution d’eau, éclairage public, transports. La famille Schneider contrôle ainsi tous les aspects de la vie quotidienne de leurs ouvriers, créant une dépendance totale vis-à-vis de l’entreprise.

Leur rôle politique s’avère tout aussi décisif. Eugène Ier cumule les fonctions de maire du Creusot, député de Saône-et-Loire, ministre de l’Agriculture et du Commerce, puis président du Corps législatif sous Napoléon III. Cette ascension politique sert directement les intérêts de l’industrie Schneider : Eugène inspire la loi sur la liberté du commerce des armes (1885) et la loi protectionniste de 1890.

Le contrôle électoral illustre parfaitement leur domination. En 1863, Eugène Schneider obtient 100 % des suffrages exprimés, résultat d’un système clientéliste redoutable. Cependant, les premières grèves importantes et le développement des revendications ouvrières à partir des années 1870 ébranlent progressivement ce système. Les Schneider adaptent alors leur stratégie, privilégiant le lobbying via le Comité des forges plutôt que l’engagement politique direct.

Le système paternaliste du Creusot
Le Système Paternaliste du Creusot
La famille Schneider contrôle tous les aspects de la vie ouvrière
🏠
Logement
Construction de cités ouvrières pour loger les familles des employés
🎓
Éducation
Écoles spécialisées financées par la famille Schneider
🏥
Santé
Hôpital moderne construit pour soigner les ouvriers
👶
Social
Orphelinat créé pour prendre en charge les familles ouvrières
💡
Services
Distribution d’eau potable et éclairage public installés
🏛️
Contrôle total
De l’usine à la mairie : domination complète sur la ville
100%
des suffrages exprimés en 1863
Résultat du système clientéliste mis en place par Eugène Schneider

Y a-t-il un lien entre la famille Schneider du Creusot et les frères Schneider dans le milieu artistique ?

Il convient d’établir une distinction claire entre la famille Schneider industrielle du Creusot et d’autres familles portant ce patronyme dans le milieu artistique contemporain (musique, court métrage, films,…). Aucun lien de parenté n’existe entre la dynastie des maîtres de forges et les acteurs Niels Schneider, Aliocha Schneider, Vassili Schneider ou Volodia Schneider. Cette fratrie Schneider du cinéma français, d’origine franco-canadienne, ne partage que le nom avec les industriels bourguignons.

La véritable famille Schneider du Creusot s’éteint aujourd’hui avec ses dernières descendantes. Dominique Schneidre, écrivaine qui a modifié l’orthographe de son patronyme « afin qu’il soit prononcé correctement » selon la tradition familiale « Schnedr » [ʃnɛdʁ], et sa sœur Catherine Schneider, cinquième épouse du réalisateur Roger Vadim, sont les dernières à porter ce nom historique.

Paradoxalement, la véritable famille Schneider a entretenu des liens étroits avec le monde artistique par le mécénat. Les maîtres de forges commandent régulièrement des portraits officiels aux peintres de renom : Paul Delaroche, Benjamin-Constant, Édouard Dubufe et Aimé Morot réalisent les portraits dynastiques. Le tableau le plus emblématique demeure celui d’Aimé Morot (1909) représentant Eugène II et ses fils, véritable manifeste de la continuité dynastique.

Jacques Schneider (1879-1928), descendant de la lignée, illustre cette dimension culturelle en créant la célèbre « Coupe Schneider » d’aviation, mêlant passion technologique et mécénat sportif.

Articles similaires

Les plus populaires